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LA CRONICA MUNDI
les réconcilia sur l’autel de la dite église. » Et une curieuse
image, d’un assez joli dessin, nous montre deux jeunes
musiciens jouant du tambour et de la flûte, pendant que
quatre couples, dans les costumes du temps, les femmes en
robes à longues traînes et chaussées de souliers à la poulaine,
exécutent des mouvements cadencés.
Le pieux Schedel se plaît du reste à enregistrer ces mani-
lestations de la colère céleste contre les sacrilèges et les
mpies. C’est ainsi qu’il raconte encore une aventure, celle-
là plus tragique, des dernières années du xmre siècle :
« Comme à Utrecht des personnes de l’un et de l’autre sexe
se livraient sur le pont à des danses et autres amusements, il
arriva qu’un prêtre vint à passer, portant à un malade le
rrès divin sacrement de l’Eucharistie. Ces jeunes gens ne
témoignant ni égard ni respect pour les objets sacrés, le pont
se rompit et deux cents personnes environ furent englouties
dans les eaux de la Meuse et périrent. »
Parmiles vues de villes qui, selon l’usage de la Chronique,
viennent égayer l’aridité du texte, une des mieux dessinées
et des plus finement gravées, très séduisante d'aspect dans
son riant paysage, est celle d’Ulm, la vieille cité souabe,
décrite en hexamètres latins que Schedel, s’il n’en est pas
l’auteur, transcrit consciencieusement. On y lit que la ville
tire son nom des ormes (Ulmus) qui s'élèvent sur le terrain
gras et humide ; qu’elle est ornée de hautes tours et de belles
maisons ; qu’elle est très peuplée et gouvernée par de sages
sénateurs.
Il est intéressant de noter comment Schedel apprécie la
querelle des Investitures, la lutte de Henri IV et de Grégoire
VII et la fameuse entrevue de Canossa. On croirait qu’après
avoir fait un tableau si enthousiaste de l'omnipotence impé-
riale, il va prendre résolument parti pour Henri IV et
condamner les abus de pouvoir de l’implacable pontife. Il
n’en est rien: imbu du respect qu'imposait encore à la fin
du xve siècle la suprématie papale, Schedel raconte briève-