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LA CRONICA MUNDI
tions plus délicates et plus fines, taillées avec plus de soin ;
sans doute encore le triage fait par lui au milieu de ces deux
mille cinq cents bois dénote un sentiment assez vif des
nuances de l’art du graveur et, comme le prouvent ses
remarques sur les mains et les cheveux, un examen attentif,
mais qui tombe parfois dans un excès de minutie, des
moindres détails de certains bois choisis par lui pour les
nécessités de sa thèse. Mais il oublie de nous donner les rai-
sons pour lesquelles il assigne à Wolgemut les gravures
d'ordre inférieur, à Pleydenwurff les meilleurs morceaux.
En somme, il est visible que, dans cet essai téméraire de
classification, M. Thode a été guidé par une étrange ani-
mosité contre Wolgemut, et on a une preuve décisive de ce
parti pris dans ce qu’il dit du dessin conservé au British
Museum. Jusqu’ici ce précieux morceau avait été considéré
sans contestation aucune comme étant de Wolgemut ; M.
Sidney Colvin, qui l’a mis en lumière et reproduit dans le
Jahrbuch, n’émet aucun doute à ce sujet. Cette attribution
contrariant les idées bien arrêtées de M. Thode sur la supé-
riorité de Pleydenwurff, il rompt en visière à l’opinion
établie, enlève le dessin à Wolgemut pour le donner à son
favori et ne laisse au maître de Durer que le bois de la
Cronica. Pour justifier cette anomalie, il est obligé de recou-
rir aux plus hasardeuses hypothèses : ou Wolgemut a altéré
le dessin original par la maladresse de sa taille (et alors il
laut admettre, ce qui est loin d’être prouvé, qu’il ait été
graveur), ou plutôt il aurait fait d’un beau dessin une
médiocre copie, dont il aurait confié la reproduction au tail-
leur sur bois. Que de suppositions pénibles pour dépouiller
Wolgemut d’un dessin qui gêne tant l’argumentation de
M. Thode ! N’était-il pas plus naturel d’expliquer l’infériorité
de la planche à l’égard du dessin par les défaillances inévi-
tables de la gravure, dont on pourrait citer de si nombreux
exemples et qui n’ont point épargné même les plus belles
œuvres de Durer? Mais, dit M. Thode, il y a ici plus que