52
LA CRONICA MUNDI
de leurs entrechats; quelques touffes de cheveux, demeurées
sur les crânes dénudés, s'associent aux soubresauts des corps,
ils se tiennent par la main, et le second, lançant au-dessus
de sa tête un bras contorsionné, tend la main au troisième
personnage du groupe, une femme, à en juger par ses longs
cheveux, par un sein pendant que les vers n’ont pas encore
dévoré; une ouverture hideuse laisse échapper les entrailles
qui ondulent en suivant l’infernale cadence avec l’étoffe flot-
tante du linceul. À leurs pieds un cinquième squelette, sor-
tant la tête et un bras du drap mortuaire, semble s’éveiller
au bruit de l’épouvantable ballet. Au-dessous, trente-neuf
vers (semés de quelques fautes de quantité) qui sont un éloge
emphatique de la mort, justicière souveraine, éternel repos
du travail, sans laquelle la vie ne serait qu’une perpétuelle
prison dont elle brise les portes. On a souvent, avant et sur-
tout depuis 1493, représenté sous cet étrange aspect d’une
danse suprême l’inévitable nécessité de la mort; mais jamais
on ne lui a imprimé un pareil caractère de grandiose horreur.
Schedel arrive enfin au Jugement dernier. Le Christ, dans
l'attitude de la bénédiction, la tête entourée d’une auréole
transpercée du glaive et du lys, les pieds posés sur le globe
du monde, trône dans le ciel; à ses côtés la Vierge, les mains
jointes, et St Jean-Baptiste avec l’agneau ; au-dessous, deux
anges sonnant de la trompette; en bas, sur la terre, les morts,
sortant des tombes, se répartissent en deux groupes, les justes
5e massant pour entrer au ciel, figuré par des rayons de clarté
entourés de nuages, les damnés déjà consumés par les flammes
de l’enfer.
Schedel saisit cette occasion d'adresser quelques pieuses
2xhortations à ses lecteurs; il les engage à ne jamais perdre
de vue cette heure solennelle du jugement final : « Dans le
même temps se fera la résurrection publique de tous, et le
corps qui ressuscitera du sein des morts sera incorruptible
et immortel, celui des justes pour qu'ils puissent toujours
demeurer avec le Christ, celui des pécheurs pour qu'ils