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LA CRONICA MUNDI
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l’infidélité de la taille ; autre chose est en jeu et les trahisons
du graveur ne suffisent pas à expliquer la notable différence
de style entre le dessin et le bois. Voyez plutôt, ajoute-t-il,
les délicieux enfants du projet original, se livrant au haut de
la composition à leurs gracieux ébats dans les branchages
gothiques. Que deviennent-ils dans la gravure ? Ils ont perdu
tout leur charme et toute leur malice ; ils se transforment
en lourds et vilains petits êtres d’allure flamande si fami-
lière à Wolgemut ; en un mot, ils sont méconnaissables. Or,
parmi les putti que M. Thode juge si monstrueusement défi-
gurés, quelques-uns reparaissent avec les mêmes physiono-
mies et la même gaucherie de naïveté dans le groupe des
anges du folio II que M. Thode donne sans hésitation à
Pleydenwurif.
Certes, comme le constate avec beaucoup de raison notre
auteur, il y a de grandes inégalités dans les si nombreux bois
de la Cronica ; mais il en est de même dans tous les incu-
nables à figures, ce qui s’explique et par les emprunts mu-
tuels et par le grand nombre des collaborateurs employés à
un même livre et par l’inexpérience des tailleurs sur bois qui
n’acquièrent une réelle maestria qu’une dizaine d’années plus
tard. Dans ces conditions il semble impossible de tracer des
lignes précises de démarcation, de mettre des noms au bas
d’œuvres collectives, de sacrifier celui-ci à celui-là. Du reste
non seulement en ce qui concerne la Cronica Mundi, mais
d’une façon plus générale, M. Thode se plaît à rabaisser le
maître de Durer, jusqu’à ne lui reconnaître aucun mérite
artistique ; il lui enlève les œuvres qui jusqu'ici constituaient
son patrimoine, les tableaux d’autel de Peringsdorf, de
Schwabach, les belles figures de Goslar et d'autres encore ;
il ne voiten lui qu’un habile metteur en scène, visant à l’éffet
superficiel, dépourvu de sentiment, incapable de faire
grand. Faut-il s’étonner, après cela, que M. Thode enlève à
Wolgemut les meilleurs bois de la Cronica pour les donner à
Plevdenwurft ?